Un sourire éclatant comme le soleil qui baigne les collines qui l’entourent, un regard chaleureux, rempli des bulles d’or de l’essence qui sort de son alambic, Marie Cécile Garibo nous accueille en connaissances de longue date, presque en amis.
« Chaque distillation me procure la même joie, la même exaltation, comme si chaque transformation de la lavande en huile essentielle était une opération magique... », nous déclare Marie Cécile, propriétaire avec son mari de la Bastide des Garibo, distillerie artisanale d’essence de lavande à Saint Antonin dans le Var.
Nous sommes impressionnés par le bruit et les odeurs. Notre sentiment d’assister à quelque opération secrète et magique d’alchimie fait fuser nos questions : « En quoi consiste le processus de distillation ? Combien de temps l’opération dure t’elle ? Combien d’essence recueillez-vous à chaque fois ? » Marie Cécile, avec patience et gentillesse nous explique.
Dans le grand vase, énorme cocotte minute, sont tassés environ trois mètres cubes de lavande coupée. A l’intérieur, la vapeur d’eau fait dégorger les fleurs. La matière liquide extraite des plantes, est recueillie dans l’alambic qui remplit son office de séparateur entre l’hydrolat et l’essence à proprement dite. Le mélange s’écoule ensuite par une rigole dans l’essencier, où l’huile essentielle, plus légère que l’eau, est projetée en bulles dorées vers la surface. Il ne reste plus alors qu’à récupérer le précieux produit dans un jerrican de cinq litres.
« Regardez, quand le soleil éclaire la surface de l’essencier, les bulles qui remontent ressemblent à des paillettes d’or », commente Marie Cécile. Oui, des paillettes d’or, comme celles qui scintillent dans son regard malicieux. Devant nos yeux ébahis, Marie Cécile trempe son doigt dans la rigole d’alimentation de l’essencier, et le porte à sa bouche ! « Je goûte l’essence de lavande à chaque distillation. Les saveurs en sont différentes à chaque fois. Allez-y, goûtez, vous aussi ». Avec un peu d’appréhension, nous déposons du bout du doigt, quelques gouttes du nectar sur notre langue. Nous découvrons avec stupeur le bouquet de l’essence : fort, très fort, un peu âpre, musqué, à la fois légèrement amer et légèrement sucré. « C’est puissant, n’est ce pas ? » nous confirme Marie Cécile. Oui, c’est puissant, déroutant et... magique.
Vingt ans qu’elle et son mari plantent, récoltent, distillent, et vendent ce merveilleux fruit de la nature. Elle nous en explique les propriétés, les spécificités et les qualités, comme une mère nous vanterait les mérites de son enfant prodige. Tout, dans ces gestes, dans sa voix, dans ses yeux, traduit la passion qui anime cette femme amoureuse de sa terre et de ses bienfaits.
Pourtant, au départ, Marie Cécile n’était pas destinée au travail de la terre. Après des études d’infirmière anesthésiste, alors qu’elle s’apprête à s’engager dans la Marine, elle rencontre Jean François. Il lui parle de ses terres, de ses projets, de la famille qu’il désire, de la vie qu’il lui promet à ses côtés. Entre s’occuper des autres et s’occuper de cultures, elle choisit la voie de l’amour, et donne d’elle-même avec toute la chaleur, toute la générosité et toute l’ardeur qui la caractérisent. En cadeau de mariage, Marie Cécile et Jean François reçoivent trois hectares de collines escarpées, une aubaine pour un jeune couple qui s’installe. Leur vie s’annonce rude, à l’image des hommes et des femmes qui cultivent cette terre gorgée de soleil, si pauvre en eau, si généreuse pourtant pour ceux qui s’en donnent la peine. Marie Cécile est fascinée par le monde qu’elle découvre.
Curieuse, astucieuse, pleine d’énergie, elle s’intéresse à tout. Elle possède une soif inépuisable d’apprendre, de comprendre, d’entreprendre. Elle consulte des livres, s’informe, se renseigne auprès des anciens. Ces derniers, surpris au départ par sa démarche peu banale pour une jeune femme, sont ensuite séduits par sa fraîcheur et son envie de bien faire. De façon bienveillante, ils la conseillent, la guident. Peu à peu, elle acquiert un solide savoir faire et développe avec son mari, des activités que la famille Garibo n’avait pas encore envisagées : élevage de chèvres, maraîchage, vergers.
Il y a vingt ans, Marie Cécile et son mari plantent leurs premiers champs de lavande. Ensuite, il leur faudra batailler pour obtenir auprès de l’administration, les autorisations nécessaires à l’achat et l’exploitation d’un alambic. Mais leurs efforts seront récompensés. Aujourd’hui, Marie Cécile est fière de présenter sur les marchés paysans du coin, ses fioles d’essence de lavandin, cent pour cent naturelle, à l’effigie de la Bastide des Garibos. Les marchés, les rencontres qui s’y produisent avec les clients, les voisins, les autres récoltants, autant d’occasions que Marie Cécile met à profit pour échanger avec les autres, avec chaleur et enthousiasme. Car elle aime les gens. C’est en la regardant sourire, répondre, conseiller, que l’on comprend mieux où se cache à présent la source de sa vocation première.
La culture et la distillation ne durent qu’une dizaine de jours par an. Et le reste de l’année, que se passe-t-il à la Bastide des Garibo ? Marie Cécile raconte l’histoire de l’exploitation, étroitement liée au rythme des saisons. Vignerons de père en fils, les époux Garibo perpétuent le savoir faire. Jus de raisin artisanal, vins de pays dans leur propre cave, vergers de pommes de toutes variétés. Les pommes justement... Marie Cécile a encore des projets : produire du jus de pommes, pour compléter la fabrication du jus de raisin.
Car elle n’arrête pas ! Elle combine travail à la Bastide, voyages humanitaires en Afrique, projets de réhabilitation des métiers de tradition provençale, avec la même passion. Elle a gardé, malgré les années, les épreuves, la dureté de son activité, son âme de jeune fille, pleine de rêves, d’envies de découvertes et de belles rencontres.
Après deux journées de tournage et d’interview, nous laissons Marie Cécile à ses collines varoises, à son dur labeur, à ses occupations journalières, à ses rêves et à ses projets. Notre rencontre a été à l’image de son sourire, lumineuse et bienveillante. Et c’est le cœur un peu lourd, mais chargé de splendides cadeaux, les yeux emplis des bulles d’or de l’essence magique, la tête saturée de senteurs, que nous prenons le chemin du retour.
Si vous souhaitez contacter Marie Cécile et Jean François Garibo,
- par courrier : Hauts Saints - 83510 Saint Antonin du Var
- par téléphone : 04 94 04 48 64
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