mercredi 7 janvier 2009
Bonjour à tous et à toutes
Je vous présente "Paroles d'artisans", mis en ligne pour parler... des artisans, de leurs activités, de leur parcours personnel et professionnel.
Vous y découvrirez deux articles originaux, tous deux consacrés à deux femmes hors du commun.
Au fil des mois, d'autres reportages viendront enrichir ces pages.
Je vous invite à laisser vos commentaires et impressions, pour que ce lieu devienne aussi le vôtre.
Dans le contexte actuel de crise économique, il me semble important de souligner les initiatives positives.
L'esprit d'entreprise, allié à la passion d'un métier, ainsi illustré, donnera peut être à certains, l'envie de se "lancer".
C'est tout le bonheur que je leur souhaite...
Marie Cécile Garibo : l’or de la Provence au creux de ses mains
Un sourire éclatant comme le soleil qui baigne les collines qui l’entourent, un regard chaleureux, rempli des bulles d’or de l’essence qui sort de son alambic, Marie Cécile Garibo nous accueille en connaissances de longue date, presque en amis.
« Chaque distillation me procure la même joie, la même exaltation, comme si chaque transformation de la lavande en huile essentielle était une opération magique... », nous déclare Marie Cécile, propriétaire avec son mari de la Bastide des Garibo, distillerie artisanale d’essence de lavande à Saint Antonin dans le Var.
Nous sommes impressionnés par le bruit et les odeurs. Notre sentiment d’assister à quelque opération secrète et magique d’alchimie fait fuser nos questions : « En quoi consiste le processus de distillation ? Combien de temps l’opération dure t’elle ? Combien d’essence recueillez-vous à chaque fois ? » Marie Cécile, avec patience et gentillesse nous explique.
Dans le grand vase, énorme cocotte minute, sont tassés environ trois mètres cubes de lavande coupée. A l’intérieur, la vapeur d’eau fait dégorger les fleurs. La matière liquide extraite des plantes, est recueillie dans l’alambic qui remplit son office de séparateur entre l’hydrolat et l’essence à proprement dite. Le mélange s’écoule ensuite par une rigole dans l’essencier, où l’huile essentielle, plus légère que l’eau, est projetée en bulles dorées vers la surface. Il ne reste plus alors qu’à récupérer le précieux produit dans un jerrican de cinq litres.
« Regardez, quand le soleil éclaire la surface de l’essencier, les bulles qui remontent ressemblent à des paillettes d’or », commente Marie Cécile. Oui, des paillettes d’or, comme celles qui scintillent dans son regard malicieux. Devant nos yeux ébahis, Marie Cécile trempe son doigt dans la rigole d’alimentation de l’essencier, et le porte à sa bouche ! « Je goûte l’essence de lavande à chaque distillation. Les saveurs en sont différentes à chaque fois. Allez-y, goûtez, vous aussi ». Avec un peu d’appréhension, nous déposons du bout du doigt, quelques gouttes du nectar sur notre langue. Nous découvrons avec stupeur le bouquet de l’essence : fort, très fort, un peu âpre, musqué, à la fois légèrement amer et légèrement sucré. « C’est puissant, n’est ce pas ? » nous confirme Marie Cécile. Oui, c’est puissant, déroutant et... magique.
Vingt ans qu’elle et son mari plantent, récoltent, distillent, et vendent ce merveilleux fruit de la nature. Elle nous en explique les propriétés, les spécificités et les qualités, comme une mère nous vanterait les mérites de son enfant prodige. Tout, dans ces gestes, dans sa voix, dans ses yeux, traduit la passion qui anime cette femme amoureuse de sa terre et de ses bienfaits.
Pourtant, au départ, Marie Cécile n’était pas destinée au travail de la terre. Après des études d’infirmière anesthésiste, alors qu’elle s’apprête à s’engager dans la Marine, elle rencontre Jean François. Il lui parle de ses terres, de ses projets, de la famille qu’il désire, de la vie qu’il lui promet à ses côtés. Entre s’occuper des autres et s’occuper de cultures, elle choisit la voie de l’amour, et donne d’elle-même avec toute la chaleur, toute la générosité et toute l’ardeur qui la caractérisent. En cadeau de mariage, Marie Cécile et Jean François reçoivent trois hectares de collines escarpées, une aubaine pour un jeune couple qui s’installe. Leur vie s’annonce rude, à l’image des hommes et des femmes qui cultivent cette terre gorgée de soleil, si pauvre en eau, si généreuse pourtant pour ceux qui s’en donnent la peine. Marie Cécile est fascinée par le monde qu’elle découvre.
Curieuse, astucieuse, pleine d’énergie, elle s’intéresse à tout. Elle possède une soif inépuisable d’apprendre, de comprendre, d’entreprendre. Elle consulte des livres, s’informe, se renseigne auprès des anciens. Ces derniers, surpris au départ par sa démarche peu banale pour une jeune femme, sont ensuite séduits par sa fraîcheur et son envie de bien faire. De façon bienveillante, ils la conseillent, la guident. Peu à peu, elle acquiert un solide savoir faire et développe avec son mari, des activités que la famille Garibo n’avait pas encore envisagées : élevage de chèvres, maraîchage, vergers.
Il y a vingt ans, Marie Cécile et son mari plantent leurs premiers champs de lavande. Ensuite, il leur faudra batailler pour obtenir auprès de l’administration, les autorisations nécessaires à l’achat et l’exploitation d’un alambic. Mais leurs efforts seront récompensés. Aujourd’hui, Marie Cécile est fière de présenter sur les marchés paysans du coin, ses fioles d’essence de lavandin, cent pour cent naturelle, à l’effigie de la Bastide des Garibos. Les marchés, les rencontres qui s’y produisent avec les clients, les voisins, les autres récoltants, autant d’occasions que Marie Cécile met à profit pour échanger avec les autres, avec chaleur et enthousiasme. Car elle aime les gens. C’est en la regardant sourire, répondre, conseiller, que l’on comprend mieux où se cache à présent la source de sa vocation première.
La culture et la distillation ne durent qu’une dizaine de jours par an. Et le reste de l’année, que se passe-t-il à la Bastide des Garibo ? Marie Cécile raconte l’histoire de l’exploitation, étroitement liée au rythme des saisons. Vignerons de père en fils, les époux Garibo perpétuent le savoir faire. Jus de raisin artisanal, vins de pays dans leur propre cave, vergers de pommes de toutes variétés. Les pommes justement... Marie Cécile a encore des projets : produire du jus de pommes, pour compléter la fabrication du jus de raisin.
Car elle n’arrête pas ! Elle combine travail à la Bastide, voyages humanitaires en Afrique, projets de réhabilitation des métiers de tradition provençale, avec la même passion. Elle a gardé, malgré les années, les épreuves, la dureté de son activité, son âme de jeune fille, pleine de rêves, d’envies de découvertes et de belles rencontres.
Après deux journées de tournage et d’interview, nous laissons Marie Cécile à ses collines varoises, à son dur labeur, à ses occupations journalières, à ses rêves et à ses projets. Notre rencontre a été à l’image de son sourire, lumineuse et bienveillante. Et c’est le cœur un peu lourd, mais chargé de splendides cadeaux, les yeux emplis des bulles d’or de l’essence magique, la tête saturée de senteurs, que nous prenons le chemin du retour.
Si vous souhaitez contacter Marie Cécile et Jean François Garibo,
- par courrier : Hauts Saints - 83510 Saint Antonin du Var
- par téléphone : 04 94 04 48 64
Bienvenue dans l’antre de la filetière...
Un petit bout de femme aux longs cheveux bruns, le regard aigu, nous accueille sur le pas de sa porte. On la sent un peu nerveuse de nous recevoir chez elle, alors qu’elle tenait tant à nous faire la primeur de son atelier fraîchement installé. Mais les contretemps se sont mis de la partie, et c’est donc dans son petit appartement de Sète, dans son séjour cuisine, que France Lopez travaille encore sur sa machine à coudre les filets de pêche.
A trente cinq ans, France est une femme épanouie, débordante d’énergie. Avec ses yeux malicieux et son sourire espiègle, elle nous raconte son parcours. Il y a dix ans,
Par nécessité, elle commence à réparer à la main, les filets de pêche de son compagnon. Pour elle, ce travail est vécu comme une contrainte. Les gestes sont répétitifs, les longues heures de raccommodage, harassantes. Elle a l’impression d’exécuter des tâches sans intérêt. Deux ans plus tard, le couple investit dans une machine à coudre, une ancienne boutonnière montée sur une table de travail conçue pour recevoir les filets. L’activité de France s’en trouve largement facilitée.
Puis, son compagnon s’absente plusieurs mois pour une saison de pêche, et France est sollicitée par Félix Appolis, patron de la coopérative de pêcheurs de Palavas les Flots, pour la réparation des filets des adhérents. Favorablement impressionné par son dynamisme, sa ténacité et la qualité de ses ouvrages, Félix Appolis lui propose de la former et de lui apprendre le métier dans les règles de l’art. France comprend alors qu’elle a la possibilité de réaliser quelque chose pour, et par elle-même, et malgré l’opposition de ses proches, elle décide de se lancer à fond dans ce métier. France devient donc filetière.
Les premiers temps, les pêcheurs de la coopérative « rigolent » : « Quoi ? Une petite bonne femme pour faire un métier d’hommes ? Ça ne s’est jamais vu ! ». Mais France aime les défis. Elle pressent que cette opportunité va lui permettre, pour la première fois de sa vie, de devenir complètement autonome, tout en prouvant à tous ce qu’elle est vraiment capable de faire.
Et peu à peu, les gens de la profession apprennent à lui faire confiance. Ses efforts sont reconnus et les commandes affluent. France est capable de monter jusqu’à deux kilomètres de filets en une journée, alors que la plupart des monteurs ont besoin de trois jours pour le même travail ! De plus, elle est la seule à proposer ses services d’ouvrages sur mesure, entre Palavas les Flots et Port Bou, car l’unique entreprise concurrente se trouve à Lisbonne…
Sa rapidité d’exécution, sa force de caractère peu commune, son professionnalisme lui ont assuré sa crédibilité. Aujourd’hui, la coopérative lui fournit toujours une partie de sa clientèle. Mais France travaille aussi en direct avec d’autres patrons pêcheurs de la côte qui lui commandent le montage de tous leurs armements, soit près de quarante kilomètres de mailles par mois.
Fière à juste titre de ses résultats, France nous explique son travail. Les filets sont achetés par les pêcheurs, et livrés chez elle en ballots. Sa mission consiste à coudre les kilomètres de maille sur les cordages haut et bas qui serviront à la pêche à la battue.
Les gestes de France sont précis, quasi chirurgicaux. Ingénieuse, elle a adapté sur sa table de travail, un système de guidage des fils qui lui permet de gagner un temps précieux. On comprend mieux, en la voyant s’activer sur sa machine, l’incroyable cadence qu’elle est capable de maintenir pendant des heures. Pas de doute ! France est la filetière la plus rapide des côtes méditerranéennes !
Avec un chiffre d’affaires d’environ cinquante mille euros par an, et un carnet de commandes plein pour les six prochains mois, la petite filetière a, décidément, le vent en poupe...
Vous pouvez contacter France Lopez à Sète
Résidence les Claires Marines - 31, boulevard Joliot Curie
au 09 51 62 06 29
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